Château Hostens-Picant

Les Goûts et les Couleurs 13 novembre 2024
Château Hostens-Picant

Dans la partie la plus orientale de l’Entre-deux-Mers, aux confins de la Gironde, de la Dordogne et du Lot-et-Garonne, à 24km de Saint Emilion, Château Hostens-Picant s’étend sur 42 hectares sous l’Appellation Sainte-Foy Côtes de Bordeaux, relancée par Yves et Nadine Hostens-Picant après l’acquisition du domaine en 1986. C’est aujourd’hui Valentine qui assure aux côtés de sa mère, la continuité familiale et le développement des relations commerciales initiées avec son père, décédé il y a quelques mois.

Château Hostens-Picant s’est très vite fait une place sur la carte des plus belles tables étoilées, notamment au Ritz, chez Guy Savoy, Yannick Alléno, à l’Hostellerie de Plaisance, la Mère Brazier ou encore Cyril Lignac.

BG : Valentine, pouvez-vous nous raconter l’histoire de votre domaine familial ?
VHP : L’histoire de notre domaine familial a démarré par un coup de coeur de mon père pour cette propriété en 1986. Il cherchait une maison familiale et a acheté cette propriété en quelques instants, conquis par la beauté du lieu. Cette propriété datait de la fin de la guerre de cent ans et seulement quelques familles s’étaient succédées. A l’époque, mon père travaillait encore dans le milieu médical et a dû apprendre très vite le métier de vigneron. Ma mère, qui travaillait à l’époque pour le groupe Rothschild, l’a rejoint. La propriété portait le nom de domaine de Grangeneuve ; la priorité a été de modifier le nom du château devenu Hostens-Picant, en hommage à la grand-mère de mon père. La propriété était alors sous contrat avec la coopérative locale, il leur a fallu 3 ans pour en sortir et construire leur propre chai de vinification. Le premier vin du Château Hostens-Picant a vu le jour en 1990.

BG : Comment les choix que vous avez fait, comme celui de relancer l’Appellation Sainte-Foy ou de créer la cuvée Lucullus ont-ils contribué à la réussite de votre domaine ?
VHP : A l’époque, l’Appellation Sainte Foy Bordeaux existait mais n’était pas utilisée. Les vignerons locaux déclaraient tous en Appellation Bordeaux ou Bordeaux supérieur. Mes parents ont alors fait le choix de relancer cette Appellation pour se démarquer et créer leur propre identité. C’est cela qui nous a permis de créer une marque forte autour de nos vins. Mon père a sorti la Cuvée Lucullus dès 1998, avec l’ambition de créer un « grand vin ». Lucullus était un consul romain, épicurien qui est resté associé dans la langue française à la gastronomie et à son art de vivre. Avec le recul, je crois que Lucullus nous a permis de toujours hisser le domaine vers le haut en cherchant à toujours tirer le meilleur de nos terroirs.

hostens picant

BG : Comment le terroir unique que vous exploitez aujourd’hui a-t-il façonné votre approche du vin ?
VHP : Notre terroir est typique de la rive droite de Bordeaux, de l’argile et du calcaire, qui donnent à nos vins rouges une vraie fraîcheur et leur permettent de se révéler dans le temps. Nous avons également la chance d’avoir des silex avec des recouvrements de calcaire marin et qui donnent à nos vins, et notamment à nos blancs une belle minéralité et une vraie identité. Nos blancs vieillissent bien et gardent une belle acidité pendant de nombreuses années. Ce terroir de silex donne une très belle complexité à nos vins. Ces terroirs nous permettent de produire des vins gastronomiques avec de belles textures, ce qui correspond bien à notre personnalité et à notre passion pour les bonnes choses.

BG : Comment continuez-vous à préserver votre identité familiale dans un paysage où les grands groupes viticoles occupent une place croissante ? Qu’est-ce qui vous distingue dans cet environnement en mutation ?
VHP : Je considère que notre identité familiale est une force aujourd’hui même si elle n’est pas forcément évidente à tenir. Dans beaucoup de pays avec lesquels nous travaillons, la famille est une valeur essentielle et cela nous permet de construire des relations sur le long terme basées sur la confiance. Pour préserver notre identité familiale, nous devons redoubler d’efforts car face aux moyens colossaux déployés par les groupes viticoles, seule notre présence et les relations que nous tissons avec nos clients nous permettent de maintenir nos parts de marché et de durer. Nous recevons beaucoup de clients au domaine, et je pense qu’ils apprécient notre manière simple et chaleureuse de les accueillir. Nous avons toujours entretenu des liens très étroits avec la gastronomie et notre amour pour les bons produits est un élément central de notre famille. Nos vins en sont également le reflet.

BG : Ces dernières années, Bordeaux a parfois été éclipsé par la Bourgogne sur la scène internationale. Cependant, on observe un renouveau d’intérêt pour les vins bordelais. Comment percevez-vous cette évolution, et selon vous, comment Bordeaux regagne-t-il sa place parmi les plus grandes régions viticoles du monde ? Quels sont les atouts actuels de Bordeaux qui séduisent à nouveau les amateurs de vin ?
VHP : Bordeaux revient effectivement sur le devant de la scène car il y a depuis quelques années une prise de conscience et une remise en question de la filière. Nous avons la chance d’avoir à Bordeaux des terroirs argilo-calcaires qui permettent d’obtenir des vins frais et digestes, ce que les consommateurs recherchent de plus en plus. Beaucoup de bordelais changent leur manière de vinifier pour s’adapter à ces nouvelles tendances. Je trouve la nouvelle génération de Bordeaux engagée et innovante. Bordeaux reste une marque très forte à l’international et reste une valeur refuge. Beaucoup de jeunes ont pris la relève dans les domaines, dans les chais et un bon nombre ont voyagé dans les différents vignobles de France et du monde pour apprendre et s’inspirer d’autres techniques viticoles. Ce renouveau est vraiment palpable et je pense que la nouvelle génération est en train d’insuffler la modernité dont Bordeaux avait besoin pour redevenir populaire auprès des consommateurs. J’étais en déplacement à Lyon le mois dernier, et j’ai remarqué pour la première fois depuis 10 ans un intérêt pour le Bordeaux que je n’avais encore jamais vu.

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BG : La viticulture biologique gagne en popularité et en importance. Quelle est votre approche vis-à-vis de la transition vers des pratiques biologiques ou durables ?
VHP : Nous travaillons avec l’équipe de Stéphane Derenoncourt, expert viticole, qui intervient dans une démarche globale et nous accompagne depuis 20 ans pour assurer des pratiques durables. Nous avons commencé par restructurer le vignoble en replantant un matériel végétal qualitatif et en doublant notre densité de plantation. Puis nous avons entamé une conversion vers l’agriculture biologique il y a plusieurs années et nous sommes certifiés sur l’ensemble de la propriété depuis 2023. Nous avons la chance d’être entourés d’une nature et d’une biodiversité très riches (forêts, etc) qui nous permettent souvent d’échapper aux intempéries ou du moins d’en limiter les effets. Nous avons également démarré un superbe projet d’agroforesterie avec l’aide de l’équipe Derenoncourt Environnement il y a maintenant 2 ans, qui va nous permettre d’observer dans les prochaines années les relations entre différentes espèces d’arbres et la vigne, notamment au niveau racinaire. Cela va également nous permettre de cultiver nos propres engrais verts pour à terme être autonomes.

BG : Qu’est-ce qui vous motive à produire du vin ?
VHP : Le vin est un produit magique, sensuel. Il crée des émotions et des moments de vie uniques. Tout commence par un lieu, un terroir et la rencontre d’un homme ou d’une femme avec ce lieu. Pour moi, cette relation est fondamentale. Réussir à révéler la magie d’un terroir dans une bouteille est quelque chose que je trouve extraordinaire. Et réussir à partager cette émotion est encore plus incroyable. Les relations que nous créons avec les gens au cours de notre vie sont pour moi de loin la chose la plus importante et le vin contribue à créer ces liens si précieux.

BG : Quelle est la taille de votre production en termes de bouteilles ? Comment se répartit-elle entre les marchés locaux et internationaux ?
VHP : Nous produisons entre 200 000 et 250 000 bouteilles chaque année, et nous en exportons environ 60%. J’accorde autant d’importance au marché français qu’aux marchés exports. En France nous travaillons sur des réseaux traditionnels, cavistes, restaurants et à l’export nous travaillons avec des distributeurs qui sont nos meilleurs ambassadeurs au quotidien. Pouvoir partager ses vins avec différentes cultures est d’une grande richesse et ceci est dans l’ADN de notre domaine depuis sa création.

BG : Bordeaux est une région emblématique dans le monde entier. Comment décririez-vous vos vignes et les particularités qu’elles offrent à vos vins ?
VHP : Bordeaux est effectivement une région emblématique dans le monde chargée d’histoire. Notre propriété et nos vignes reflètent bien cet héritage du passé. Nous avons aujourd’hui un domaine très sain, entouré d’une biodiversité très riche. L’alliance de nos terroirs et de nos cépages régionaux nous permet de produire des vins d’une grande finesse, pleins de fraîcheur et qui vieillissent dans de très bonnes conditions. C’est aussi vrai pour nos vins rouges que pour nos vins blancs.

BG : Quelles sont les techniques et pratiques que vous privilégiez pour travailler vos vignes ? Y a-t-il des méthodes spécifiques que vous avez adoptées ou perfectionnées pour maximiser la qualité de votre production ?
VHP : Nous mettons avant tout un accent sur la viticulture (désherbage et épamprage mécanique). La restructuration du vignoble puis le passage en agriculture biologique nous permettent de cultiver des raisins qui reflètent notre terroir.

BG : La récolte 2024 a été marquée par des défis et des opportunités propres à cette année. Comment avez-vous vécu les vendanges, et quelles perspectives cela offre-t-il pour la qualité des vins de cette année.
VHP : Le millésime 2024 a été très compliqué à tous les niveaux et il a fallu redoubler d’efforts pour ne pas être complètement impacté par le mildiou. Nous avons néanmoins fait une belle récolte sur les blancs avec une qualité remarquable. Une plus petite récolte sur les rouges avec une majorité de cabernet franc et des merlots sur la fraîcheur et des extractions douces. Tous les millésimes se suivent et ne se ressemblent pas. Pour moi, 2024 sera une année propice à produire des vins légers et digestes.

BG : Quels sont, selon vous, les traits distinctifs de vos vins ? Comment décririez-vous leurs arômes, leurs saveurs et les sensations qu’ils procurent ?
VHP : Nos vins allient la puissance de l’argile, le tranchant des silex et le raffinement du calcaire. Nous sommes constamment à la recherche d’un parfait équilibre entre l’aromatique et la texture. L’aromatique du sauvignon avec la texture du sémillon ainsi qu’un élevage maîtrisé permettent d’atteindre cet équilibre et d’en faire de vrais vins de gastronomie, qui se marient à merveille sur des cuisines très différentes. Les épices et la fraîcheur du cabernet franc en font également un cépage très intéressant.

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BG : Parmi les millésimes que vous avez produits, lequel se démarque comme étant le plus mémorable à vos yeux ? Qu’est-ce qui a rendu cette année particulièrement exceptionnelle ?
VHP : Personnellement je n’aime pas les millésimes trop solaires. Pour les blancs, j’aime notre Cuvée des Demoiselles 2014 et le 2023 est très prometteur et pour les rouges, je trouve le 2017 très intéressant. Ce sont souvent de belles arrières saisons qui ont permis de faire la différence.

BG : Quelle cuvée est le meilleur symbole de votre domaine ?
VHP : C’est notre blanc, la Cuvée des Demoiselles qui représente le mieux notre philosophie et notre savoir faire. Nos terroirs de silex lui donnent une identité tout à fait singulière et nous permettent de produire un vin blanc équilibré, sur la fraicheur et la tension. Il vieillit bien, se révèle dans le temps et gagne en complexité aromatique après quelques années. Il est présent sur de nombreuses tables étoilées.

BG : Si vous deviez recommander un accord mets & vins parfait pour cette cuvée, quel serait-il ? Quels mets subliment le mieux les qualités de votre vin ?
VHP : L’année dernière, dans le cadre d’une masterclass donnée au Japon, j’avais demandé à 6 sommeliers d’imaginer un accord pour aller avec 6 millésimes de notre cuvée des Demoiselles. Le résultat était très intéressant car chacun à leur manière, mettait en avant la complexité du vin, en insistant parfois sur les arômes et d’autres sur la texture. Personnellement, j’aime le jeu des textures et je trouve que les meilleurs mets pour accompagner nos vins sont des beaux produits frais à peine cuisinés, comme des Saint Jacques poêlées au beurre demi-sel, ou des linguini à la vongole, rehaussées d’un peu de poutargue râpée.

BG : Quelle est votre vision pour l’avenir du domaine ? Comment envisagez-vous l’évolution de votre production face aux défis climatiques et aux tendances du marché ?
VHP : Aujourd’hui je suis très fière de prendre les rênes de la propriété. J’espère pouvoir encore améliorer la qualité de nos vins et les mettre en avant à travers notre distribution qualitative et cosmopolite. De nombreux projets sont en cours et un nouveau parcours d’oenotourisme lié à la biodiversité verra le jour l’été prochain. Nous envisageons également la création d’une table d’hôtes.
Nos terroirs argilo-calcaires nous permettent aujourd’hui de ne pas être trop impactés par le réchauffement climatique, mais cela ne sera peut-être plus vrai dans quelques années. Le merlot, cépage emblématique de Bordeaux, devient de plus en plus difficile à cultiver. Le cabernet franc devrait s’imposer dans les années à venir comme le cépage central de la rive droite, ce que je trouve très cohérent et tout à fait adapté aux goûts actuels

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