Franck François

Rencontres de Bongoût 09 avril 2024
Franck François

J’AI MONTÉ MA BOITE AUTOUR D’UNE TABLE

Autodidacte et fier de l’être, il dirige le groupe VOG, qu’il a créé il y a 43 ans et dont il possède, avec ses deux filles et son épouse, la totalité du capital. Avec près de 700 salons de coiffure en France , 150 à l’étranger et plus de 5000 salariés, il est un des leaders en Europe. Ses enseignes sont présentes dans toutes les villes des plus petites aux plus grandes, avec les marques VOG, TCHIP, CLAUDE MAXIME ou encore MON COIFFEUR EXCLUSIF. Créateur infatigable et passionné, Franck François nous livre ses recettes du succès.

Vog

BG: Qu’est-ce qui vous caractérise?
FF : La bienveillance associée à l’exigence.

BG: Que vous évoque le bon goût ?
FF : L’ élégance, le respect des autres . Très attaché aux lieux, le bon goût doit se traduire aussi par l’endroit où l’on vit. Reflet de soimême, on doit s’y sentir bien et s’y ressourcer.

BG: Une marque qui qualifie le bon goût ?
FF : Hermès, c’est un sans-faute !

BG : Le pays du bon goût ?
FF : L’Angleterre, inspirante.

BG: Vous revendiquez votre statut d’autodidacte, comment tout cela commence?
FF : Pas assez assidu à l’école et poussé par mon père qui voulait me mettre au travail, je réponds à une annonce d’un coiffeur pour dames. Avec mon culot je me fais embaucher. CAP puis BEP en poche, je décroche un job de coiffeur chez Carita à Paris, une des plus belles Maisons de la place, une véritable carte de visite. Je tourne ensuite dans quelques salons. Pas très passionné par ce que je fais, je rêve d’entreprendre. Devant le refus de ma patrone de m’associer dans un salon, comme elle l’avait fait avec un collègue, je prends mes clics et mes clacs avec la ferme intention de me lancer.

BG: Vous étiez toujours à Paris?
FF : Non j’étais revenu sur mes terres d’origine dans le Nord. Les fonds de commerce à Lille étant trop chers, je regarde alors d’où venaient nos clientes. De Douai, d’Arras, de Cambrai.. de toutes ces villes où il n’y avait pas de beaux coiffeurs . Je me lance à Douai en 1979.

BG: Quelle est votre première enseigne ?
FF : HAIR, inspiré par la comédie musicale avec Julien Clerc.

BG: Quel a été l’accueil des clientes ?
FF : Extraordinaire et un succès d’emblée. On a cassé les codes. De la couleur, des tenues décalées pour l’époque, des fauteuils de metteurs en scène.. on apportait de la nouveauté, de la fraîcheur, de l’envie. Je me rappelle que le café d’à côté nous servait de salle d’attente, on offrait des boissons pour faire patienter nos clientes.

BG: Le succès amène le succès !
FF : Quelques mois plus tard on ouvre le deuxième à Arras. Mais je n’aimais pas notre enseigne. J’avais rencontré Jean Louis David, qui n’était implanté qu’à Paris et je le convainc de me franchiser. Je deviens le premier franchisé en province. Rapidement j’ouvre Le Touquet et Lille.

BG: A quel moment créez-vous VOG?
FF : Devant le refus de JL David de me donner l’exclusivité sur le Nord et le Pas de Calais, je descends son enseigne et la remplace par VOG. En 3 ans, nous ouvrons 28 salons avec un succès incroyable.

BG: Vous rencontrez alors Jacques Séguéla qui vient de créer « La Force tranquille » qui mène Mitterand à la victoire.
FF : Oui, l’homme est fascinant. Je l’approche lors d’une conférence qu’il donne à Lille pour l’ouverture de son agence RSCG dans le Nord. Devenu client de l’agence et au cours de quelques échanges, il invente « détendez-vous, vous êtes chez VOG » qui révolutionne le monde de la coiffure à l’époque.

BG: Les années Mitterrand vous portent.
FF : Son premier septennat a été très porteur pour les entreprises. On atteint 90 salons VOG, à l’aube des années 90.

BG :Comment vous êtes-vous développé aussi rapidement ?
FF : Le succès, l’enthousiasme, l’envie et des équipes formidables . Beaucoup de collaborateurs ont voulu se lancer dans l’aventure et on les aidait à s’installer.

BG : Et à ce moment-là, votre bonne étoile vous guide vers le low cost qui en est à ses balbutiements.
FF : En quelque sorte et cette étoile forme le logo de la marque TCHIP depuis l’origine, il y a 27 ans. Parti me ressourcer et en quête de nouveauté, j’étais à Miami où je découvre les coiffeurs cubains et leur tarif à 5$. Devant chaque salon, une queue impressionnante. Par contre des lieux quasi insalubres.

BG: C’est la révélation ?
FF : Oui, le prix. Mais je prends le problème à l’envers. Il faut faire de l’anti cheap avec des salons colorés, attractifs, sains.

BG: Vous francisez le mot cheap, un clin d’oeil?
FF : Oui , encore une fois on change les codes. J’adore les couleurs du quartier art déco de Miami et les adopte pour le concept, le vert, le jaune et le rose. Et puis en remplissant mon cahier de toutes les idées qui me venaient, je suis attiré par une étoile qui s’éclaire sur une vitrine. Le concept et le logo étaient prêts.

BG: Vous créez le premier salon TCHIP à Lille ?
FF : Ironie du sort, je l’installe dans un emplacement premium à côté de Dessange, de Cartier et d’une bijouterie de luxe. Ma première cliente est la patrone de la bijouterie, attirée par la modernité et le concept sans rendez-vous.

Tchip

BG: Le succès ne s’arrête pas , aujourd’hui encore.
FF : 450 salons plus tard, nous continuons à pulvériser les scores de fréquentation en restant fidèles à l’esprit d’origine avec nos quatre forfaits.
Et nous restons les moins chers. Un autre succès tient au renouvellement des franchisés et à leur jeunesse. Quand un patron part à la retraite, le salon est quasiment toujours repris par un employé qui continue l’histoire.

BG: Vous avez également racheté les enseignes CLAUDE MAXIME et MON COIFFEUR EXCLUSIF. Comment positionnez-vous chaque marque pour éviter quelles ne se cannibalisent ?
FF : Chacune à son segment bien ancré avec une clientèle très fidèle. VOG c’est le luxe accessible, pour le plaisir. CLAUDE MAXIME c’est le prestige international. TCHIP c’est la défense du pouvoir d’achat. MON COIFFEUR EXCLUSIF c’est la proximité, aussi bien dans l’affect que dans la localisation. Des coiffeurs indépendants majoritairement dans des petites villes.

BG: Les États Unis continuent d’être votre source d’inspiration ?
FF : Je me tourne surtout vers Londres, une ville fantastique, qui fourmille de créativité.

BG: Avez-vous des passions ?
FF : Oui, j’adore l’art sous toutes ses formes et particulièrement les tableaux et les livres.

BG: Vous êtes collectionneur ?
FF : J’ai beaucoup de tableaux du 19eme et du 20eme et plus de 2000 livres d’art et de biographies de grands personnages.

BG: Qu’est-ce qui vous attire?
FF : L’insatiable envie d’apprendre. C’est sûrement une revanche par rapport à l’école. Je ne lis aucun roman, mais je lis plusieurs livres par semaine.

BG: Qu’est-ce qui vous fait encore rêver ?
FF : Toujours créer, entreprendre, aller de l’avant.

BG: Êtes-vous un épicurien ?
FF : Oh oui, je connais mieux le vin que la comptabilité !

BG: Quels sont vos plats préférés ?
FF : Les grands classiques. La cuisine de tradition, faite avec amour et qui valorise le produit.

BG: Et en matière de vin?
FF : J’aime les Bordeaux rouges. Je crois que j’en connais la plupart. J’ai un faible pour les Haut Brion, les Pauillac ou le Château Pavie. En blanc, le Bourgogne, avec un faible pour le Puligny Montrachet de chez Boileau ou la Pucelle.

BG: Que représente la table pour vous?
FF : J’ai monté ma boite autour d’une table. C’est plus agréable et convivial que de contracter dans un salon de coiffure. Et puis ça ouvre l’esprit. Les mets, les bons verres, l’atmosphère, créent la convivialité. Et puis la table, c’est le partage.

BG: Quelles sont vos tables préférées ?
FF : J’ai la chance d’avoir fait beaucoup de grands étoilés. J’ai deux préférences le Meurice, d’Alain Ducasse et le Relais Plaza de Jean Imbert.

BG: Et en province ?
FF : À Lille, la brasserie André rue de Béthune, un lieu qui m’inspire où l’on mange une cuisine de tradition. A Lyon, je vais chez Abel à Ainay, pour sa quenelle incomparable. Au Touquet, j’aime la Base Nord, un lieu magique sur les bords de la Canche au bout de la mer.

BG: Vous avez créé une extraordinaire Maison d’hôtes au Touquet.
FF : C’est mon épouse, je n’ai fait que l’accompagner dans ce projet fantastique. A l’origine, vous avions en tête d’acheter l’hôtel Westminster et d’en faire un palace et l’affaire ne s’est pas faite. Et puis, quelques temps plus tard, un ami nous a présenté une maison immense et incroyable, en plein centre du Touquet. Et nous avons craqué.

BG: Une demeure d’hôtes qui se nomme HAEC OTIA , une belle histoire aussi.
FF : À l’époque, mon épouse se remet d’une longue maladie et elle souhaite faire bénéficier à des enfants très malades ou en fin de vie, d’un lieu où ils viennent séjourner quelques temps. Pour autofinancer ce projet, on a créé deux espaces sur le domaine, une maison d’hôtes et un gîte. La commercialisation permet en retour d’accueillir gratuitement des enfants et leurs parents.
C’est aujourd’hui ma fille aînée et son mari qui gère cette belle maison.

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