L’AMBASSADEUR
DE LA GASTRONOMIE
FRANÇAISE
Si la politique divise les hommes, la bonne table les réunit toujours ». Cette devise est celle du Club des Chefs des Chefs auquel Guillaume Gomez consacre son dernier livre. Ce Club exclusif, qui rassemble les Chefs cuisiniers en exercice auprès des plus grands chefs d’état aux quatre coins du monde, a été fondé en 1977 par Gilles Bragard, créateur de la marque éponyme de vêtements professionnels. Entré à l’Elysée en 1997, en tant que commis de cuisine appelé du contingent, Guillaume Gomez a gravi tous les échelons jusqu’à devenir Chef des cuisines de l’Elysée au départ de Bernard Vausson en 2013. En 2004, il devient le plus jeune MOF (Meilleur Ouvrier de France). En 2020, il quitte ses fonctions et Le Président Macron le nomme Ambassadeur de la gastronomie française dans le monde et son seul représentant personnel.
BG : Pourquoi quitter une telle fonction de Chef des cuisines de l’Elysée?
GG: Cela faisait plus de 20 ans que j’étais là et j’ai dit au Président, nouvellement élu, en 2017, que je souhaitais partir à terme. C’est un métier passionnant, intéressant, valorisant et dans lequel on ne fait jamais deux jours de suite la même chose, mais c’est un job à 200%. J’avais envie d’autre chose. Il m’a dit qu’on allait faire plein de choses pour la gastronomie et jamais un Président ne s’est autant investi. Il a invité plusieurs fois des Chefs à l’Elysée et m’a permis de solliciter certains d’entre eux pour réaliser des dîners exceptionnels. Il a été le premier Président à aller au SIRHA (salon international de l’hôtellerie et de la restauration). Mais en 2020 j’ai souhaité quitter mes fonctions.
BG : Vous êtes resté dans le sillage du Président
GG: Le Président m’a proposé d’être son représentant personnel et m’a nommé Ambassadeur de France de la gastronomie. Reconnaissance personnelle, mais surtout preuve de la dimension stratégique de l’alimentation et de la gastronomie dans la diplomatie française.
BG : Quelle est votre mission?
GG: Le Président Macron m’a proposé de m’occuper du rayonnement de la gastronomie française à l’international et chargé des grands événements comme les Jeux Olympiques et la coupe du monde de rugby. Vous l’imaginez, il ne compte pas sur moi pour ramener des médailles ! Mon rôle est de m’assurer que tous les fondamentaux de l’alimentation et de la gastronomie, que je prône, soient mis en avant : circuit court, recherche de produits de qualité, anti-gaspi, méthanisation des déchets, l’inclusion, l’égalité entre les femmes et les hommes, la valeur travail… Et en tant que représentant personnel du Président, je suis le lien avec les acteurs de l’alimentation vers l’Elysée.
BG : Au Congrès de Vienne en 1815, Talleyrand disait « donnez-moi une bonne table et je vous ferai de bons traités ». Quel est le rôle de la gastronomie dans la diplomatie aujourd’hui ?
LG: La gastronomie contribue à donner une image positive d’un pays, une sorte de « soft power ». Des relations diplomatiques compliquées peuvent se renouer lors du partage d’un repas. Ainsi, la semaine de la gastronomie tenue à TEL AVIV, a permis de réouvrir une liaison aérienne entre Strasbourg et TEL AVIV. Dans le monde des affaires, en famille, comme dans la diplomatie, la table est un moment important. Quand on accepte de passer à table avec quelqu’un, on accepte de faire un pas vers lui.
BG : La France a-t-elle une place à part dans la gastronomie mondiale ?
GG: L’hégémonie de la gastronomie française est indiscutable à l’étranger. Les grands vins, le Champagne, le fromage sont d’origine française dans toutes les grandes réceptions. La dernière écluse pour garder la francophonie, c’est la gastronomie. De nombreux mots de cuisine ne se traduisent pas, la Blanquette, le Soufflé, le Foie Gras… Quand on parle de gastronomie, on parle de la France.
BG : Pourquoi le Président Macron a-t-il créé cette mission d’Ambassadeur et personne avant lui?
GG: Nicolas Sarkozy disait, « si vous saviez ce que les chefs d’état étrangers me disent de la cuisine de l’Elysée… Vous n’imaginez pas combien vous comptez pour la France ». Plus avant, le Président Macron a pris conscience que l’alimentation et la gastronomie doivent être un sujet fondamental pour la France. Notre modèle alimentaire doit être un exemple. Longtemps les grands Chefs ont fait figure de stars à l’étranger. La France c’est la fraternité, la liberté, l’égalité. Les Chefs, comme les producteurs et les viticulteurs, dans la connivence et l’humilité, ont gagné du terrain. Il faut aller partout où l’on peut faciliter les relations et mettre des gens autour d’une table pour créer du dialogue.
BG : Vous êtes sur tous les fronts, votre agenda est à nouveau rempli à 200% ?
GG: Ma mission est sur le terrain, pas dans un bureau. Si vous voulez trouver des solutions, il faut rencontrer les gens, les écouter, les comprendre. Ce n’est pas la même histoire d’être avec un éleveur désespéré, devant une montagne de canards qu’on lui a fait abattre à cause de la grippe aviaire et de le lire dans un rapport. Je rencontre des préfets, des ambassadeurs pour un être un facilitateur. Maintenant il faut agir du champ à la poubelle et apporter des solutions. Tout ce que je fais c’est avec conviction et franc parler. Je dis toujours « si vous ne voulez pas entendre mes réponses, ne me posez pas les questions ».
BG : Que faut-il changer selon vous?
GG: Il faut changer tous ensemble. On ne peut pas dire aux élèves qu’on ne mange pas de tomate en hiver et leur en servir à la cantine. Notre modèle alimentaire ne fonctionne plus, la mauvaise alimentation coûte 40 milliards par an à la sécurité sociale. Si on ne fait rien elle coûtera 100 milliards en 2030. La mauvaise alimentation est le premier facteur à risque pour la santé, 50% de la population est en surpoids.
BG : Cette prise de conscience est-elle internationale ?
GG: Avec la guerre en Ukraine on a pris conscience que les céréales bloquées dans les ports pouvaient engendrer la famine. Nous avons d’énormes enjeux et la France doit devenir un modèle.
BG : Une meilleure alimentation passe-t-elle par davantage de végétal?
GG: Il faut plus de variétés dans les choix culinaires, manger moins et de meilleure qualité. Il y a 30 ans déjà, Alain Ducasse proposait un menu végétal à la SBM à Monaco. Aujourd’hui, c’est partie intégrante de la plupart des cartes de Chefs. Éric Fréchon nous fait un plat sublime à base de poireaux. Aujourd’hui c’est rentré dans les moeurs, il faut évoluer.
BG : Prenez-vous encore du plaisir à cuisiner?
GG: Oui pour mes proches, mais ce n’est plus mon métier. J’ai envie d’autre chose, de donner un autre sens à ma vie.
BG : Qu’elle est votre recette du succès?
GG: Celles et ceux qui réussissent ont un point en commun, le travail.
BG : Pour vous ressourcer ?
GG: Je lis beaucoup et je fais du sport.
BG : Vous venez de réaliser un magnifique livre consacré au Club des Chefs des Chefs. Pouvez-vous nous le présenter?
GG: Le livre « Le Club des Chefs des Chefs » est un concentré de « grastronodiplomatie » destiné à faire rayonner la gastronomie dans le monde entier. Avec des recettes cultes, des plats traditionnels, des desserts iconiques, classés par pays et par Chefs, de l’Islande à l’Equateur et des États Unis à l’Inde, en passant par la France et le Maroc. «Le Club des Chefs des Chefs » est un voyage gustatif pour découvrir et célébrer le talent de ces Chefs.
BG : Ce livre est vendu en librairie et vous reverser les recettes à l’Ecole de Félix .
GG: Oui, il s’agit d’une organisation non gouvernementale à Madagascar, à but non lucratif. Sa vocation est de lutter contre la pauvreté par l ’accès des enfants défavorisés à l’éducation et à la santé
Merci Guillaume Gomez, élu personnalité gastronomique de l’année 2018.