JEAN BAPTISTE BISSONNET
Directeur général des Boucheries Nivernaises
“Quand on façonne une viande, on peut en faire un bijou sur mesure, avec l’ambition d’offrir à ceux qui vont la déguster un moment d’évasion lors d’un déjeuner ou d’un dîner”
BG : Vous représentez la 6ème génération de Bissonnet à la tête des Boucheries Nivernaises.
JBB : Oui, chez les Bissonnet on se transmet le couteau de génération en génération. Mais il n’y a d’obligation pour personne, cela doit être un choix personnel. A l’âge de six ans, je suivais mon père dans les travées de Rungis, en marchant sur ma blouse trop longue. Travailler dans l’entreprise familiale a toujours été pour moi une évidence. J’ai fait une école supérieure de commerce et testé des expériences ailleurs, mais l’envie était trop forte de revenir. Et je suis fier d’imaginer déjà la 7ème génération, car j’ai la joie d’être tout jeune papa d’un petit Jean. Peut-être choisira t-il de rejoindre les Boucheries Nivernaises, ou bien ce sera un de ses cousins.
BG : Votre fils porte le nom de son arrière grand-père, Jean, fondateur des Boucheries Nivernaises. Pouvez-vous nous raconter« à votre sauce » l’histoire de cette dynastie de « bouchers haute couture »?
JBB : Belle entrée en matière. La sauce honore à merveille nos plats de viande, elle crée du liant, du goût. Les Boucheries Nivernaises c’est avant tout une histoire de famille de bouchers de père en fils depuis Napoléon III. Mais la véritable «success story » démarre en 1954, quand mes grands-parents Monique et Jean s’installent à Suresnes, dans les Hauts-de-Seine. Ils quittent leur boucherie chevaline de Briare dans le Loiret et montent à la capitale persuadés que la boucherie allait se concentrer sur la viande bovine et que leur avenir était à Paris. Le succès est au rendez-vous et en 1959, c’est le début de la grande aventure avec l’ouverture de ce qui deviendra le navire amiral des Boucheries Nivernaises au 99 rue du Faubourg Saint-Honoré, à 22 numéros de l’Elysée. Les viandes de Monique et Jean séduisent rapidement une belle clientèle de particuliers et se retrouvent à la carte de beaux bistrots, de nombreuses tables étoilées et de palaces. En 1967 mon grand-père fait rentrer sa viande à la table du Général de Gaulle à l’Elysée. Il ouvre aussi à cette époque des boucheries dans les centres commerciaux franciliens qui naissent et notamment au Centre Parly 2, proche de Versailles, où nous sommes toujours présents. Visionnaire, il pense à l’export. Il crée un élevage en Uruguay, exporte au Liban, en Arabie Saoudite, à l’île Maurice. La notoriété des Boucheries Nivernaises devient internationale.
BG : Quel est aujourd’hui le périmètre du groupe?
JBB: A côté des boucheries historiques de Saint Honoré et de Parly 2, avec ses deux fils Bernard et Michel et ses petit-fils Julien, Charles et Jean-Baptiste, mon grand-père a façonné le groupe. Ils rachètent Lalauze, la plus ancienne boucherie de Paris, le Coq Saint-Honoré, une enseigne de volailles de prestige, Cedral, une société de négoce. Et puis ils créent l’Atelier des Boucheries Nivernaises, à proximité immédiate du Marché de Rungis, qui réalise des commandes sur-mesure pour nos clients restaurateurs et l’export.
BG: D’où vient le nom des Boucheries Nivernaises?
JBB: Mon grand-père Jean a donné ce nom à la société en souvenir des parents de son épouse Monique qui avaient une belle ferme dans le Nivernais, à côté du célèbre marché aux bestiaux de Sancoins.
BG : Quelle est la recette du succès de votre famille?
JBB: D’abord et avant tout d’être une famille, unie envers et contre tout. D’aller de l’avant ensemble. Et puis d’avoir la viande chevillée au coeur, avec l’amour de la qualité et du bel ouvrage, de l’éleveur à l’étal de nos boucheries. C’est une société rondement menée, avec une belle marque et des collaborateurs heureux.
BG : La crise de la vache folle et les scandales à répétition ont été saignants pour votre profession.
JBB: Oui, mais mon grand-père et ses deux fils Bernard et Michel ont tenu bon. Aujourd’hui ils nous ont passé le couteau. Nous nous efforçons de redonner ses lettres de noblesse à toute la chaîne alimentaire devenue la bête noire. Le métier de boucher va bien au-delà de la noble découpe de la viande. Il doit vous faire vivre le produit de l’herbe du Mont-Lozère au carré d’agneau servi sur votre table. Échaudés par les excès de l’agriculture industrielle, les clients veulent être informés et conseillés pour un simple repas, comme pour un repas de fête.
BG : Quelle est votre vision des profondes mutations de la consommation et de la restauration?
JBB: On n’a jamais autant disserté sur la nourriture, d’Instagram à Top Chef, elle est dans toutes les pensées. L’assiette est au coeur de tous les débats sanitaires, environnementaux , sociétaux, culturels…. La viande adulée par les uns est l’objet de rébellion chez les autres qui attaquent des boucheries. Elle traduit un des maux de notre planète quand on voit certaines pratiques d’élevages intensifs où règne la maltraitance animale. Il faut sortir de ce rouleau compresseur qui renvoie dos à dos les partisans d’innombrables régimes et les amoureux du bien manger. Il faut de la mesure, on ne peut plus consommer comme avant. Il faut se nourrir davantage de végétal, de céréales, de légumes, de moins de viande mais de meilleure qualité. De l’élevage à la cuisine, il faut revoir toute notre façon de penser et de faire, dans une démarche de qualité. De nombreux Chefs bâtissent désormais leurs cartes en mettant en avant le légume et la viande en accompagnement.
De l’élevage à la cuisine, il faut revoir toute notre façon de penser et de faire, dans une démarche de qualité.
BG : L’emblème des Boucheries Nivernaises c’est la côte de boeuf ?
JBB: Oui, elle a fait notre réputation, elle est notre logo. Mais en regardant l’étal de nos boucheries, on se dit aussi qu’avec un beau paleron on dégustera un merveilleux boeuf carottes. N’oublions pas que notre histoire culinaire s’est construite sur des fonds de veau, des bouillons de volailles, des jus de boeuf, qui subliment nos sauces et souvent des bas morceaux. Tout est bon dans une bête, de la tête au jarret de veau, sans oublier les tripes et les abats. C’est aussi éviter le gaspillage en ne se focalisant pas que sur les produits nobles. Aux Boucheries Nivernaises on trouve de tout, pour tous les goûts, de la joue de porc, à l’onglet, en passant par les ris de veau, le gigot d’agneau ou la volaille de Bresse.
BG : Quels sont vos plats préférés ?
JBB: Une belle côte de boeuf de race Normande avec des pommes de terre sautées. C’est une viande persillée avec un gras qui sublime le goût. La vache Normande est particulièrement valorisée sur nos étals. J’adore le coeur d’aloyau, morceau inventé par mon grand-père et puis une épaule d’agneau de Provence ou une belle volaille du Sud-Ouest rôtie avec des frites.
BG : Et de belles bouteilles pour les accompagner ?
JBB: Je n’ai pas de vin de prédilection. Peu importe pourvu qu’il nous inspire et qu’il fasse plaisir.
BG : Que représente la table pour vous ?
JBB: La table c’est d’abord la famille, ensuite les amis. Cela m’évoque les grandes tablées dans notre maison en Sologne. C’est un lieu de partage, de rencontre. Un bon moment avec plein d’histoires qu’on se raconte. C’est aussi un lieu de plaisir autour du goût des produits et des bons plats.
BG : Qu’est-ce qu’une bonne table ?
JBB: D’abord un endroit où l’on est bien accueilli et puis un bon cuisinier qui choisit bien les produits et les valorise avec de belles recettes.
BG : Vos restaurants préférés ?
JBB: Je suis plutôt bons bistrots.
BG : Quelle est votre vision pour l’avenir des Boucheries Nivernaises ?
JBB: Continuer d’analyser et de comprendre les tendances dans un monde qui bouge. Être responsable, respecter les animaux, bien sourcer les éleveurs et leur garantir des revenus conséquents, améliorer notre impact environnemental. Ma vision c’est certainement moins de viande mais toujours avec une belle qualité. C’est aussi de se diversifier sur d’autres marchés de l’alimentation.
BG : Quelles sont vos passions ?
JBB: D’abord ma famille, ensuite mon boulot et enfin la chasse avec le respect de la nature.
BG : Qu’est-ce que le bon goût ?
JBB: C’est votre magazine très inspirant. Et puis c’est le goût de la viande, donc d’abord et avant tout la qualité. La qualité est indémodable.
LA CÔTE DE BOEUF IDÉALE DE JEAN-BAPTISTE ET SES POMMES DE TERRE ROTIES
Pour 4 personnes
Temps de préparation : 10 min
Cuisson : 10-15 min au four à 220°C
Ingrédients
Une belle côte de boeuf d’environ 1,2kg
1 kg de pommes de terre type charlotte
3 gousses d’ail en chemise
1 branche de thym
huile d’olive
beurre
fleur de sel et poivre du moulin
Sortez la viande de votre réfrigérateur une heure à l’avance. Préchauffez votre four à 220°, chaleur tournante. Pendant ce temps, épluchez, lavez les pommes de terre et coupez-les en quartiers. Placez-les dans un plat à four huilé avec les gousses d’ail en chemise. Enfournez-les un quart d’heure avant de démarrer la cuisson de la côte de boeuf. Chauffez fort un filet d’huile d’olive dans une large poêle. Faites cuire 4 minutes la côte de boeuf sur chacune de ses faces afin de les marquer. Placez la côte de boeuf au milieu des pommes de terre. Enfournez une quinzaine de minutes pour une viande saignante d’un kilo. Au sortir du four, salez et poivrez la viande. Recouvrez-la et laissez-la reposer quelques minutes. Découpez la côte de boeuf et servez avec les pommes de terre