LE BONHEUR EST DANS LA CUISINE
Avec des initiales, MOF, acronyme des Meilleurs Ouvriers de France, Marie-Odile Fondeur était prédestinée à représenter l’excellence française de la cuisine à travers le monde. Fille d’agriculteurs du Nord, elle découvre le goût des bons produits qu’elle va chercher dans le potager et apprend la cuisine avec sa mère et sa grand-mère. Un 3ème cycle de gestion agroalimentaire en poche, elle est engagée à la Chambre des métiers de l’Ain, où elle crée la Fête de la carpe, afin de valoriser ce produit local auprès des cuisiniers et du grand public. En 1990 elle se voit confier l’organisation du Salon des Métiers de Bouche au sein d’Eurexpo, qui deviendra le SIRHA en 2007 lors de sa reprise par Olivier Ginon, Président de GL Events. Marie-Odile Fondeur aura dès lors en charge tous les événements liés à la gastronomie au sein du groupe GL Events (une vingtaine d’événements par an) avec une portée mondiale. Maman de quatre filles, passionnée de sport, de piano et de peinture, Marie-Odile Fondeur change de vie et consacre désormais son temps à la direction de la Fondation pour la Cuisine Durable by Olivier Ginon.
BG : Quelle est la vocation de la Fondation pour la Cuisine Durable ?
MOF: Une de ses missions est d’adapter les variétés végétales au dérèglement climatique, à la résistance aux maladies et à les sélectionner pour leurs qualités gustatives et nutritionnelles. Cette Fondation a été créée par Olivier Ginon, qui m’en a confié la direction.
BG : Quelle est votre action ?
MOF: Créer du lien entre les cuisiniers, les boulangers, les pâtissiers et les producteurs. Montrer les voies possibles pour une cuisine durable. Au-delà d’une prise de conscience, il y a un travail en commun pour faire découvrir de nouvelles variétés et de nouveaux goûts pour une alimentation plus saine et qui préserve l’environnement.
BG : Quels en sont les piliers ?
MOF: Transmettre le savoir aux nouvelles générations, préserver le patrimoine français pour une cuisine plus durable, investir dans des innovations pour une cuisine vertueuse et célébrer toutes celles et ceux qui travaillent en cuisine.
BG : Le grand public est-il concerné ?
MOF: On ne peut plus jouer avec l’alimentation pour être en meilleure santé possible. Le Covid a fait prendre conscience des limites de notre système de santé, même si nous avons d’excellents professionnels qui ont montré leur dévouement. Le public a pris conscience que si on ne mange pas bien on a des problèmes de santé. Il faut une alimentation saine, diversifiée privilégiant les légumes et les produits locaux. Naturellement, les professionnels sont des instigateurs, ils propagent leur savoir auprès des consommateurs et des industriels de l’agroalimentaire qui conçoivent des produits plus adaptés.
BG : La pandémie a eu un effet accélérateur sur la nécessité de mieux consommer, mais l’inflation et la baisse de pouvoir d’achat semblent provoquer un retour en arrière.
MOF: Justement, nous devons montrer qu’on peut s’adapter. Des solutions existent avec des petits maraîchers, ou en cultivant soi-même sur une terrasse ou dans un potager. Il faut une alimentation plus responsable, respecter les cycles de la nature, moins consommer d’eau et d’énergie. C’est vital.
BG : Il faut bannir la viande et le poisson ?
MOF : Il faut une alimentation équilibrée, avec davantage de légumes et se faire plaisir en mangeant de temps en temps de la viande de qualité. C’est culturel en France et nous avons des producteurs de qualité qu’il faut soutenir. De même pour le poisson.
BG : Comment sélectionnez-vous les semences ?
MOF: Nous sélectionnons les espèces les plus prometteuses qui sont mises en culture pour permettre aux cuisiniers de faire redécouvrir des saveurs d’autrefois. Au XIXème à Lyon on cultivait 270 variétés végétales qui résistaient aux phénomènes naturels... Aujourd’hui quinze espèces fournissent 90% des ressources alimentaires mondiales et 80% des légumes et céréales ont disparus depuis les années 50. Heureusement certaines semences ont été conservées et depuis 2008 le CRBA (Centre de Ressources de Botanique Appliquée), installé au domaine Philibert à Charly (69), multiplie les partenariats scientifiques. Notamment avec l’institut Vavilov à Saint Pétersbourg.
BG : Comment la Fondation se fait-elle connaître ?
MOF: Nous disposons d’un site internet et d’outils de communication à la fois vers le grand public, les professionnels et les médias et nous créons des événements à destination des Chefs. En septembre 2022 nous avons lancé une première action en collaboration avec le CRBA à Charly à la Ferme Melchior. De nombreux Chefs étaient présents ils ont pu découvrir de nouvelles variétés à partir desquelles ils vont réaliser des recettes. En septembre 2023 nous lançons un premier concours de cuisine à destination de jeunes cuisiniers entre 21 et 25 ans. Les jeunes sont très demandeurs et ils sont l’avenir de l’alimentation.
BG : Comment fonctionne ce concours ?
MOF: Le concours aura lieu au CFA de la gastronomie au château de La Croix Laval créé à l’initiative du Chef Christian Têtedoie, très impliqué dans la formation et dans la cuisine durable. Les inscrits devront respecter un certain nombre de contraintes : utiliser des variétés végétales issues du CRBA et de la viande locale. La thématique sera le «haricot viande» et le piment de Bresse. Ils devront utiliser de la vaisselle recyclée. A l’oral ils devront parler de leur manière de manager.
BG : La gastronomie est le fil conducteur de votre vie professionnelle, la table a-t-elle autant d’importance pour vous aujourd’hui ?
MOF: Bien sûr, d’abord parce qu’elle est un lieu de convivialité, de partage et d’expériences. Je collabore toujours avec les plus grands Chefs qui s’impliquent beaucoup pour faire évoluer l’alimentation et le zéro déchet.
BG : Quels sont vos meilleurs souvenirs ?
MOF : Un me vient immédiatement à l’esprit. Un dîner avec Paul Bocuse et Olivier Ginon, chez Ferran Adrià, quelques jours avant la fermeture de son restaurant. Il était alors classé meilleur restaurant du monde. Nous avons dégusté 44 plats, en mini bouchées bien entendu. C’était le maître de la cuisine fusion. Amusé Paul Bocuse parlait de cuisine confusion, car on ne savait pas ce que l’on mangeait. J’ai constaté une nouvelle fois à quel point Paul Bocuse était considéré comme le pape de la cuisine et loué partout et par tous. Un autre souvenir, le dîner des Grands Chefs du monde, organisé à l’initiative d’Olivier Ginon, pendant le Sirha pour remercier ces cuisiniers stars de leur présence à cet événement mondial pour l’hôtellerie et la restauration. Et puis, le déjeuner des Chefs à l’Elysée, reçus par le Président Macron grâce au soutien de Guillaume Gomez, ambassadeur mondial de la gastronomie auprès du Président. Une ambiance magique et grandiose dans ce cadre exceptionnel et solennel.
BG : Quelles sont vos tables préférées ?
MOF: Il y en a tellement et je ne les ai pas toutes faites. Mais pour en citer quelques unes : en Chine chez Paul Pairet à l’Ultraviolet, une expérience unique. En France, Arnaud Lallement à l’Assiette Champenoise à côté de Reims, Flocons de Sel d’Emmanuel Renault à Megève, Jean Sulpice à Talloires, Gilles Goujon à l’Auberge du Vieux Puits à Fontjoncouse, Florent Ladeyn à l’Auberge du Vert Mont dans le Nord, Serge Vieira à Chaudes Aigues, Régis Marco à St Bonnet le Froid et puis Le Chef Têtedoie à Lyon.
BG :Aimez-vous cuisiner ?
MOF: Je cuisine au fil des saisons, mais parmi mes plats de prédilection, je fais le poulet au curry, le pot au feu ou le poisson au four et toutes sortes de gratins et de crumbles sucrés et salés.
BG : Pour vous échapper ?
MOF : Dans mon chalet en Savoie où je cultive mon potager et à côté de Rosas en Espagne.
NOTRE RENCONTRE AVEC CHRISTIAN TÊTEDOIE
Meilleur Ouvrier de France en 1996, étoilé Michelin et une étoile verte, Christian Têtedoie est un ardent partisan de la cuisine durable. Dans son restaurant gastronomique sur le site exceptionnel de l’Antiquaille à Lyon, il propose une cuisine pleine d’émotions au rythme des saisons et des meilleurs produits locaux.
BG: Quel est le déclencheur de la prise de conscience de la nécessité de mieux s’alimenter ?
CT: C’est un passage obligé. On pollue trop. L’être humain est résiliant et il a compris qu’il n’y a pas d’autre choix que d’aller vers plus de végétal. Manger est un acte intime. Ce que l’on ingère conditionne notre forme et notre santé. 80% de nos maladies viennent de ce que l’on mange.
BG: Et la gourmandise et le plaisir ?
CT: Bien sûr il faut continuer de se faire plaisir. Il ne s’agit pas de supprimer la viande et le poisson, mais d’en manger moins et de meilleure qualité et de consommer plus de légumes.
BG: Comment mettez-vous en oeuvre ces principes ?
CT: Nous avons créé avec Jean François Tedesco une application « mesproducteursmescuisiniers. com » qui met en relation directe des producteurs et des cuisiniers. Le producteur acquitte un abonnement et perçoit ensuite 100% de la recette de ses ventes. Jean François est allé à la rencontre de chaque producteur. Nous avons créé un lien important entre producteurs et cuisiniers. On participe ensemble à un plan de semis et d’élevage. C’est très motivant car le producteur voit le résultat de ses efforts et le cuisinier trouve de nouvelles saveurs et des produits de grande qualité.
BG: Dans votre restaurant étoilé, avez-vous modifié votre manière de cuisiner ?
CT: Oui, nous réalisons des mises en place plus courtes limitées aux préparations de base, ensuite tous les plats se font sur le moment pour conserver tous les nutriments. Et puis on réalise plus de plats à base d’herbes et de plantes sauvages issues notamment de la forêt endémique de la Chaise Dieu. Nous nous fournissons essentiellement auprès de producteurs locaux. La meilleure démarche est d’acheter le meilleur produit au plus près de chez soi.
BG: Et pour la viande et le poisson ?
CT : On applique la même règle, sans s’interdire quelques apartés pour faire plaisir à nos clients. On privilégie la carpe, l’omble chevalier ou le fera en saison, mais on fait venir du turbot et du homard de Bretagne. Mais « le homard - tête de veau », notre recette emblématique, n’est plus à la carte toute l’année, seulement à la bonne saison du homard.
BG: Votre carte se renouvelle souvent ?
CT: Elle vit au rythme du meilleur produit au meilleur moment de sa production. Quand notre éleveur de volaille nous appelle parce qu’il a des petits pigeons de 500 grammes magnifiques, nous les mettons à la carte. Idem pour l’éleveur de veau … Il est essentiel de se faire plaisir tout en étant respectueux de la nature et en privilégiant une bonne santé.
BG: Président des Maîtres Cuisiniers de France, vous avez une tribune de choix pour faire passer vos messages.
CT : La nouvelle génération de cuisiniers est très demandeuse, c’est parfois plus difficile de faire bouger les anciens. Mais il y a une vraie prise de conscience collective.
Notre parcours gourmand avec le menu « Inspirations » du Chef Christian Têtedoie
OEuf cuit basse température dans son jus d’ortie, pistou d’ortie et croûtons aillés.
Sardine cuite en gravelax accompagnée de sa mousseline de feuille d’huître et de lierre sauvage, pointe de jus de carotte.
Turbot cuit au bbq accompagné de chou-fleur en purée et chou-fleur rôti. Petit pigeon rôti avec une carmine au gingembre.
Pré-dessert, un crémeux au miel, sorbet citron, espuma au fromage blanc.
En dessert, Pomme rubinette, déclinée en plusieurs textures associés au Shizo pourpre et une pointe de verjus pour l’acidité.