Un goût de passion
Matthieu se présente comme un Bordelais passionné et engagé, amoureux de la terre et du vin. En ”sport-étude“ à Bordeaux, il s’imagine devenir tennisman professionnel et vivre de sa passion, mais la vie en décide autrement. Sportif de haut niveau, il se lance dans la course à pied et court de nombreux marathons. C’est en gagnant une course dotée de caisses de Sainte- Croix-Du-Mont qu’il découvre ce vin liquoreux et a une véritable révélation, il veut devenir vigneron. Matthieu a un vrai attachement à la terre et à la
nature depuis son plus jeune âge, quand il retourne la terre avec son grand-père pour cultiver le potager. Mais à 20 ans, sans fortune, pas facile de se lancer. Son ambition est bien ancrée, un jour il aura son domaine. Il reprend des études de commerce et passe un Master achats. A 23 ans, il est embauché au service achats dans un laboratoire
pharmaceutique à Dijon et gravit les échelons. Fin 2000, alors qu’il vient d’avoir son premier enfant, il démissionne et crée EPSA pour accompagner les entreprises dans
l’optimisation de leurs achats. Le succès est au rendez-vous et à la faveur d’un LBO en 2007 il réalise son rêve et acquiert son premier domaine viticole à Callac dans les
Graves. C’est le début d’une formidable aventure que nous raconte Matthieu Gufflet à la table de l’épicerie-comptoir de la Mère Brazier, sa nouvelle adresse dans le 8ème à Paris, rue Boissy d’Anglas.
BG: A partir de 2007 vous menez une double vie professionnelle?
MATHIEU GUFFLET : En fait je pensais me consacrer à ma passion pour la terre et le vin, mais je découvre très vite la difficulté du métier de vigneron quand, quelques semaines après mon acquisition, je perds 60% de ma production à cause d’un énorme gel. Tout en conservant mon exploitation, je dois reprendre mon activité avec EPSA et convaincs mes associés de passer à la vitesse supérieure pour constituer un vrai groupe.
BG: 2010 est une nouvelle étape importante de votre vie.
MG: Oui, EPSA va connaître une extraordinaire réussite. EPSA est aujourd’hui présent dans 37 pays, compte 3000 collaborateurs et réalise un milliard de chiffre d’affaires dont 70% à l’international. On est devenu le leader de la performance opérationnelle pour les entreprises.
BG: Vous n’abandonnez pas pour autant votre passion.
MG: En 2019, on réfléchit avec mon épouse Malena à la vie d’après. Elle aime l’hôtellerie et le réceptif. Après ACCOR, elle devient directrice commerciale d’OPTIONS, dans la location de matériel de réception et
elle vient d’être chassée pour prendre la direction de Booking.com pour la France. De mon côté, malgré un début très difficile, ma passion pour la terre et le vin est intacte. On décide alors de joindre nos passions et en plein Covid on crée TERRES de NATURES. Un nom qui coule de source.
BG: Vous avez une nouvelle fois un parcours fulgurant.
MG: TERRES de NATURES est devenu en quelques années un groupe de 400 personnes centré sur quatre activité: Le vin - La gastronomie - L’hôtellerie - L’agriculture. Nous avons cinq hôtels, un sixième en construction, cinq sites de chambre d’hôtes, quatre vignobles, des fermes urbaines où l’on cultive des herbes aromatiques, huit restaurants, six épiceries fines et le traiteur Humblot, une référence sur Bordeaux racheté fin 2023.
BG: Qu’est ce qui vous anime maintenant que vous avez réalisé votre rêve?
MG: J’aime créer et aller au bout de mes idées. Je reste majoritaire dans EPSA et aux commandes. Sa formidable réussite m’a donné les moyens de matérialiser mes idées, je réinvestis dans TERRES de NATURES ce
que j’ai gagné grâce à EPSA. Et puis, quand on réussit une mission on voit rarement les clients sauter de joie. Par contre, c’est formidable de voir les gens heureux lorsqu’ils sortent d’un de nos établissements. Ça donne du sens à ce que l’on fait.
BG: En 2023, vous rachetez une légende de Lyon et certainement sa meilleure table, La Mère Brazier.
MG: C’est le fruit d’une rencontre extraordinaire avec le Chef Mathieu Vianney, 2 Étoiles Michelin, à qui je présentais mes herbes aromatiques sur le SIRHA. Le courant est passé et nous avons déjeuné chez La Mère Brazier. Il m’a fait part de son envie de pérenniser son restaurant iconique et de développer ses épiceries. Six mois plus tard nous étions associés. Matthieu est un grand Chef, mais aussi un vrai entrepreneur. Il a pris la direction du pôle gastronomie de TERRES de NATURES et nous avons déjà créé quatre nouvelles épiceries La Mère Brazier, deux à Paris, une à Lyon et une au coeur du village de Sauternes. Il place et manage des chefs talentueux dans nos différents restaurants.
BG: Vos restaurants et vos hôtels sont-ils systématiquement liés à vos domaines viticoles?
MG: Pas obligatoirement, la Mère Brazier est indépendant au coeur de Lyon, tout comme Le Cercle Guiraud à Sauternes. Les six autres restaurants sont dans les hôtels . Mais les hôtels ne sont pas forcément au coeur de nos vignobles.
Je souhaite rester avec un groupe à taille humaine et une croissance maîtrisée.
BG: Vos acquisitions répondent-elles à un cahier des charges précis?
MG: Nous privilégions aujourd’hui trois régions. L’île de France, qui est mon endroit de vie, L’Aquitaine qui est mon endroit de coeur et Auvergne Rhône-Alpes qui est l’endroit où j’ai toujours été, avec une attirance particulière pour Les Halles Paul Bocuse. Nous y avons ouvert une épicerie la Mère Brazier en début d’année. Pour le reste, c’est le fruit de rencontres, d’opportunités et beaucoup de coups de coeur. Nous n’achetons pas un endroit parce qu’il y a des vignes autour.
BG: Où se situent vos domaines viticoles?
MG: Le Château de Callac au coeur de l’appellation des Graves, Le Chateau Guiraud à Sauternes, Le Domaine des Aurelles en Languedoc et Le Château des Bachelards en Beaujolais. Ensemble ils produisent 700 000 bouteilles par an.
BG: Votre aventure hôtelière démarre en plein Covid en région parisienne.
MG: Oui, nous avons eu un véritable coup de coeur, mon épouse et moi, en 2020 pour Le Château de la Bucherie dans le Vexin. Un lieu magique avec 65 hectares et un parc dessiné par Barillet-Deschamps, qui était le jardinier en chef de la ville de Paris, qui a notamment à son actif le Bois de Boulogne.
BG: Quels sont vos autres lieux ?
MG: Nous avons acquis le Château d’Ermenonville, en région parisienne, où a été tourné le film Les Visiteurs, L’Auberge d’Ostape, anciennement propriété d’Alain Ducasse, un hôtel de charme au coeur des,montagnes du Pays Basque, Les Roches Fleuries à Cordon, avec une vue imprenable sur le Mont Blanc et L’Hôtel de la Plage au cap Ferret.
BG: Comment dirigez-vous TERRES de NATURES ?
MG: Sur le même modèle qu’EPSA. Nous avons des directeurs de pôles. Le pôle viticole est dirigé par Sandrine Garbay, le pôle Hôtelier par Julien Mathon et le pôle gastronomie par Mathieu Vianney, un directeur du pôle épicerie est en cours de recrutement.
BG: Quelles sont vos ambitions pour TERRES de NATURES?
MG: C’est un vrai projet familial et patrimonial. J’espère que mes enfants nous rejoindrons. Pour l’heure mon fils ainé vient de nous rejoindre pour développer l’activité des fermes urbaines sur Bordeaux, le second fait ses
études dans le secteur du vin . Je souhaite rester avec un groupe à taille humaine et une croissance maîtrisée. Pour le moment nous pensons un développement essentiellement en France, avec des lieux facilement accessibles et des distances raisonnables les uns des autres. Nous souhaitons optimiser les synergies entre nos différentes activités. TERRES de NATURES c’est un vrai projet de vie et l’accomplissement d’un rêve.
BG: Aimez-vous la table?
MG: Je suis un fan absolu. Je passe des heures à table. Avec un groupe d’amis on a créé le Tour de France des vins. C’est l’occasion de se retrouver chaque mois pour partager une bonne table. Chacun fait découvrir aux autres une adresse qu’il aime. On commence à midi et on ne sait jamais quand ça s’arrête.